Contexte du cas
Une grande entreprise de services vit plusieurs bouleversements concomitants :
- du fait de l’évolution de facteurs externes, son marché est en train de changer. Cela se traduit par une pression accrue des clients sur les prix qui induit une désorientation des équipes, plus habituées à régler des problèmes techniques qu’à subir une pression commerciale.
- Parallèlement la société est en attente d’une fusion importante, suspendue pour des raisons règlementaires, ce qui nourrit encore l’incertitude.
- Enfin, le dirigeant est relativement nouveau dans ses fonctions et il succède à une figure emblématique de l’entreprise. Il a identifié que pour traverser cette période d’incertitude et surtout transformer en opportunité la pression tarifaire, il fallait faire évoluer le style de management de son département. Nous dirions qu’ils souhaitait passer d’un management focalisé sur la technique à un management orienté client.
Pour adresser ces enjeux, le dirigeant souhaite réunir l’ensemble de ses cadres (TOP 60) lors d’un séminaire.
Ce qui s’est passé les outputs
Un séminaire a donc réunit pendant 2 jours les 60 cadres de ce département ( TOP 60). Le séminaire a été composé de trois grands temps :
- un temps d’explication et de discussions des enjeux du marché, animé par le dirigeant,
- un temps de question réponse sur l’avenir de l’entreprise (et de la fusion en particulier) animée par le DG de la société,
- plusieurs séquences de travaux de groupe visant à élaborer des propositions d’action pour chacun des axes stratégiques identifiés.
A l’issue des deux jours, l’ensemble des cadres a pu être rassuré sur son avenir et identifier les priorités d’action pour l’année à venir, ce qui répondait à l’un des objectifs.
Ils ont pu également expérimenter et mettre en pratique de nouveaux modes de travail collectifs, évoluant ainsi à petit pas, vers un mode de management plus orienté client.
Un groupe, le collège des 60, s’est « constitué » (cohésion) et s’est fédéré autour d’une compréhension des enjeux de l’entreprise et de l’adhésion à un projet.
Le comité de direction a « redécouvert » la valeur que pouvait avoir son équipe : son entousiasme et l’intelligence de ses contributions.
Enfin, au vu des retours et des évolutions de comportements observés dans la période qui a suivie le séminaire, le dirigeant a pleinement atteint son objectif d’imprimer sa marque par ce séminaire.
Cerise sur le gâteau (ou conséquence des points précédents), les 60 qui étaient arrivés un peu inquiets et dans une certaine passivité, sont repartis redynamisés.
Notre contribution à ce résultat
Dans le cas présent trois niveaux d’enjeux se téléscopent : celui du dirigeant qui prend ses fonctions, celui des modes de management à faire évoluer et celui de l’environnement qui est incertain et qui crée de ce fait de l’inquiétude parmi les équipes.
Notre contribution :
– Accompagnement du dirigeant dans la rédaction et la priorisation de ses messages pour aborder de manière rassurante une situation intrinsèquement incertaine et éviter une présentation trop longue et démobilisante.
– Conception et animation d’un dispositif adressant les 3 enjeux via la responsabilisation des membres du comité de direction dans l’animation du séminaire pour les positionner en tant que dirigeants et non en tant que patron de leurs équipes. Cette responsabilisation s’est traduite par :
- La sélection par le CODIR des sujets à présenter de nature stratégique et non technique ,
- La distribution entre eux des présentations à faire indépendantes des territoires de responsabilités préparation autonome des contenus à présenter les mobilisant comme co-animateur du séminaire et pas seulement participant,
- Le positionnement de facilitateur des travaux de sous-groupe ne contribuant pas à l’apport de proposition d’actions.
– Facilitation de l’expression et de la mobilisation du groupe :
- Présentation de manière interactive les orientations et enjeux de l’entreprise à des populations peu habituées à recevoir ce type d’informations et à y réagir,
- Réaction (questions/réponses) sur des sujets sensibles (fusion, marché…) qui permet de la diminuer l’inquiétude
- Contribution du TOP 60 sur des sujets qui ne relevaient pas de leur niveau de responsabilité,
– Une organisation des travaux en commun aidant à sortir du mode « hiérarchique » propre au mode de management technique pour développer la transversalité
- Participation du TOP 60 à la proposition d’actions sur des sujets qui ne relevaient pas de leur domaine d’expertise technique « habituel »,
- Travail en sous-groupes transverses mixant les différents niveaux de responsabilités et d’expertises,
- Constitution de commissions transverses, sur la base du volontariat, chargées de poursuivre la mise en oeuvre des différentes propositions.
Anatomie du cas : un angle de vue
Le séminaire regroupe 4 niveaux hiérarchiques. Dans cette culture technique et donc respectueuse de la hiérarchie, cela fait dire à certains membres du comité de direction, pour ne pas dire la majorité, qu’il sera « impossible » de faire s’exprimer les personnes du fait de ce contexte.
Nous rencontrons très fréquemment cette objection. Au vu de notre expérience, nous faisons l’hypothèse que cette réaction exprime les résistances à un des changements clef par rapport aux enjeux : l’évolution du style de management de technique à orienté client.
Nous vous proposons d’étudier de façon un peu plus précise cet axe de travail de l’intervention.
L’évolution du mode de management est un des objectifs fixés par le dirigeant. Du fait de la forte culture technique, elle concerne également son équipe directe, et le concerne donc lui même. Ce que nous observons du fonctionnement de l’équipe apparaît très hiérarchique : le patron parle beaucoup, il « convoque » son CODIR sans vérifier que cela convient à tous (alors que leur présence à tous nécessaire). En résumé il « ordonne » et laisse peu de place aux feed-back et à l’adaptation aux contraintes et aux besoins de son équipe. Malgré une bonne écoute, c’est un style de management « directif » qui laisse peu de place à l’élaboration commune. Cette absence de prise en compte des besoins des autres entretient la difficulté à évoluer vers un style de management « orienté client », et donc orienté sur la prise en compte des besoins du client. Le propre style de management du patron se retrouve donc en contradiction avec son attente d’évolution des pratiques de management de son département.
Cela se traduit dans les réunions par des sujets abordés « tirés » vers les aspects techniques du métier au détriment des enjeux.
Cette manière de fonctionner possède deux inconvénients dans la situation actuelle : elle ne parvient pas à rassurer, même quand les dirigeants s’y essayent, car l’expression n’est pas prise en compte. De plus il est paradoxal (et donc bien souvent inefficace, voire paralysant) de donner l’instruction de ne plus être hiérarchique, puisque cela revient à donner l’instruction de ne pas attendre d’instruction.
Hypothèse sous jacente
Pour mener notre action nous nous basions sur l’hypothèse que pour changer le mode de management il convenait de mettre les membres du comité de direction en déséquilibre par rapport à leur position d’expert initiale. Pour cela nous avons par plusieurs moyens concomitants (rôles, configuration géographiques de la salle…) favoriser l’expression d’une équipe de direction face à ses cadres. Les membres du comité de direction étaient donc invités à passer du statut de patron de leur équipe, ce qui avait l’inconvénient d’empêcher toute expression au sein de ces équipes, à celui d’équipe de direction.
Les actions
Notre intervention s’est focalisée sur l’accompagnement de l’équipe de direction dans la préparation de ce séminaire. Cette action s’est concrétisée par l’élaboration avec le dirigeant de l’architecture du séminaire et ensuite la délégation à son comité de direction des différentes parties (présentation techniques, animations des tables rondes). Plusieurs réunions de préparation ont permis d’accompagner ce comité de direction dans cet exercice nouveau pour lui.
Cela a donc permis :
– pour les dirigeants d’évoluer dans leur position, et donc « mécaniquement » de quitter (même légèrement) la position d’expert,
– pour les équipes de s’exprimer plus librement et donc d’être rassurée (puisqu’elles pouvaient avoir réponses à leurs questions) et d’expérimenter une manière de travailler différente de l’expertise obéissante.